Héraclès s’ennuie. Il a nettoyé les bidonvilles, redressé le gouvernement, retiré nos troupes des pays des barbares, assaini nos finances et spolié nos alliés. Maintenant, toutes affaires réglées, Héraclès s’ennuie.

On lui dit : ‘Sous l’empire qui nous succédera, on parlera de vous. Vous vous appellerez Hercule et on se souviendra de vos prouesses athlétiques.’

Héraclès participe aux concours hippiques, devient lutteur, nageur, boxeur et, ayant gagné toutes les compétitions, il invente d’autres jeux avec une petite balle ou un ballon que l’on propulse seul ou en équipe, avec la paume de la main, le pied, le coude ou avec des bâtons, des lattes ou un instrument conçu à cet effet et ressemblant à une main énorme en bois et dont la paume est tressée d’osier.

Puis, las, Héraclès, délaissant les jeux, s’enlise dans la mélancolie et s’ennuie.

‘Comment donc’, lui dit-on, ‘ne savez-vous pas que vous, aujourd’hui un héros, demain serez vénéré comme un dieu ? Vous occuperez avec les Césars empereurs un paradis réservé à vous seuls.’

Désormais, Héraclès s’avance dans la rue la tête haute et enguirlandée comme celle des dieux, entouré de chœurs qui louent ses jambes musclées, ses bras, blancs et fulgurants comme le marbre du Pentélique, son front noble et altier.

Mais après avoir détruit les sanctuaires des autres dieux et régnant seul, comme dieu unique sur toute la terre, Héraclès constate qu’il s’ennuie à nouveau.

Et à peine a-t-il fait ce constat que déjà la mort, qui œuvre chaque jour, infatigable et sous l’anonymat, ouvre la porte, pénètre dans sa chambre et l’emporte en lui disant : ‘Viens, Héraclès, cesse de méditer des exploits qui raviront le monde. On parlera peut-être de toi, mais je t’assure ceci : tu ne seras plus.’